Rétroactivité fiscale, exonération des plus-values sur actions cotées en bourse et certifiées

Rétroactivité en matière fiscale : nouveau rappel des principes

La question de la rétroactivité en droit fiscal ne se pose en principe pas. Le droit fiscal, d’ordre public, se base sur des réalités et en règle, aucune rétroactivité ne peut avoir d’effet pour son application.

Les actes ‘privés’ (e.g., contrats) ou lois de droit privé qui prévoiraient une rétroactivité restent par conséquent sans effet sur l’application des législations fiscales qui se fonderont sur la réalité de la situation pour apprécier la date des faits imposables.

Il existe toutefois une tolérance administrative admettant une ‘certaine’ rétroactivité qui se justifie essentiellement par les aspects pratiques des opérations qu’elles vise.

Ainsi, il est souvent fait appel à cette tolérance dans le cadre de réorganisations de sociétés. Ces opérations nécessitent effectivement que des états comptables soient dressés et imposent des délais d’attente entre le dépôt du projet et le vote de l’opération. L’assemblée générale de réorganisation (qui détermine la date d’effet) se tient dès lors systématiquement à une date postérieure à la date de l’état comptable ayant servi de fondement à la décision. Il est alors d’usage d’invoquer cette rétroactivité fiscale afin de faire remonter la prise d’effet de la réorganisation sur un plan fiscal à la date de ces états comptables.

Interrogé sur cette question suite à la réforme du droit des sociétés, le Ministre des Finances a confirmé la position administrative déjà bien connue dans sa réponse du 21 janvier dernier.

La question fût posée car le droit des sociétés prévoit la possibilité de faire rétroagir, sur un plan comptable, la date à laquelle les opérations de la société apporteuse sont considérées comme étant accomplies pour le compte de la société bénéficiaire. Le texte modifié par la réforme de 2018 prévoit actuellement que cette date pivot ne peut remonter à une date antérieure au premier jour qui suit la clôture des derniers comptes annuels approuvés, ce qui amène à considérer que cette rétroactivité pourrait aller jusqu’à un an.

La question était de savoir si ce délai est également applicable en matière fiscale.

Le Ministre confirme dans sa réponse que cette rétroactivité de droit privé n’est pas opposable à l’administration fiscale, tout en rappelant la tolérance administrative existante : « il ne peut être dérogé à ce principe que si la rétroactivité énoncée dans l'acte correspond à la réalité, porte sur une courte période et n'empêche pas une juste application de la législation fiscale ». En matière de réorganisations, il ajoute que « l'Administration ne considérait pas, en principe, une période de plus de sept mois dans des circonstances normales comme une courte période ».

Le Ministre termine en précisant que « le principe selon lequel l'Administration ne tient compte de la rétroactivité dans les actes de sociétés qu'à la condition qu'elle corresponde à la réalité et que cette rétroactivité comptable ne porte pas atteinte à l'application de la législation fiscale qui est d'ordre public est maintenu », sans toutefois faire référence à la période de 7 mois.

Peut-on en déduire que la rétroactivité pourrait remonter à un an comme en matière comptable ? Il faut selon nous se garder de toute conclusion hâtive. Dans chaque situation, cela reste une question de circonstances et ce ne serait que dans des cas tout à fait exceptionnel que cette tolérance pourrait être invoquée pour un délai plus long que la ‘courte période’ évoquée par le Ministre.

Il demeure nécessaire de pouvoir prouver, dans chaque cas d’espèce, que la rétroactivité fiscale invoquée n'a (presque) aucun effet sur la situation des sociétés et sur l’impôt enrôlé en fin d’exercice. Sauf cas exceptionnel, la tolérance continuera par conséquent à ne viser que des périodes en principe bien inférieure à la rétroactivité maximale autorisée par le Code des sociétés et associations.

Exonération des plus-values sur actions : plusieurs acheteurs = un seul acheteur

Le Service des Décisions Anticipées (SDA) a récemment fait une application intéressante de la condition de participation prévue en matière d’exonération des plus-values sur actions par une société belge.

L’exonération de telles plus-values est en effet notamment subordonnée à la condition que les actions ou parts cédées représentent une participation d’au moins 10% ou 2,5Mio EUR.

Le cas soumis au SDA concernait une société qui souhaitait vendre des actions cotées en bourse à l’intermédiaire de son institution financière. Les différentes participations avaient toutes respectivement une valeur supérieure à 2,5Mio EUR mais en pratique, les actions allaient être vendues sur le marché, à autant d’acheteurs que nécessaire pour réaliser la position.

Tenant compte du fait que la société concernée ne donnerait qu’un seul ordre de vente à sa banque, que l’intention était par conséquent de vendre la totalité de la participation et du fait que les contraintes pratiques des marchés financiers impliquent nécessairement que la vente se réalise de manière séquencée, souvent en plusieurs jours, le SDA confirme que dans ces circonstances, la condition précitée de participation est considérée comme satisfaite.

Et le SDA de rajouter que bien entendu, si plusieurs ordres avaient été donnés à différents moments, cette conclusion n’aurait pas été la même.

C’est ici une interprétation intéressante de cette condition de participation qui pourrait également trouver d’autres applications dans le cadre de cessions de ‘blocs’ de participations à différents acheteurs.

Exonération des plus-values : la (dé)certification est un non-évènement

Outre le seuil minimum évoqué ci-dessus, l’exonération des plus-values sur actions et parts à l’impôt des sociétés repose sur une autre condition liée à la période de détention de la participation ; elle doit avoir été détenue en pleine propriété pendant une période ininterrompue d’un an au moins.

La question posée au SDA était de savoir si la période de détention d’un an pouvait être considérée comme satisfaite dans l’hypothèse où les actions certifiées d’une société sont décertifiées afin d’être cédées.

En règle, la certification d’actions est transparente d’un point de vue fiscal. Les détenteurs de certificats sont, en effet, considérés comme étant détenteurs des titres ayant fait l’objet de la certification pour l’application des impôts sur les revenus.

Cette transparence oriente bien entendu le raisonnement du SDA qui en rappelant ce régime de principe, répond assez logiquement par l’affirmative en confirmant que le condition de détention d’un an serait satisfaite dans le cas d’espèce après avoir pu constater que l’émetteur des certificats détenait les actions depuis plus d’un an et que les détenteurs de certificats détenaient quant à eux ces certificats depuis plus d’une année également.

C’est là une application correcte de la transparence fiscale instaurée pour le régime de la certification qu’il est toutefois de bon ton de confirmer.  

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