Aperçu des mesures fiscales adoptées par le gouvernement Arizona
Nous dressons dans les lignes qui suivent un aperçu des mesures annoncées par le gouvernement dans la foulée de l’accord fédéral obtenu in extremis par l’Arizona.
Taxation des plus-values
Une taxation des plus-values réalisées sur les actifs financiers serait introduite, y compris sur les crypto-actifs.
Les plus-values historiques seraient donc exonérées, de sorte que seules les plus-values accumulées à partir de l'introduction de cette mesure seraient taxées. En contrepartie, les moins-values de l’année deviendraient déductibles.
Une exonération de 10.000 EUR (contre 6.000 EUR dans les textes précédents) serait instaurée pour les investisseurs particuliers et une exonération de 1Mio EUR serait prévue pour les plus-values sur les participations d'au moins 20 %.
Le taux de la contribution serait progressif :
- plus-value entre 1 et 2,5Mio EUR : 1,25 % ;
- entre 2,5 et 5Mio EUR : taux de 2,5 % ;
- entre 5 et 10Mio EUR : taux de 5 % ;
- au-delà de 10Mio EUR : taux de 10 %.
Certaines nuances seront encore apportées, vraisemblablement concernant les PME et en raison des zones d’ombres qui existent au regard de l’intégration de ces mesures dans le Code, au regard des régimes existants (taxation à 33%, 16,5%, lien avec les taxations prévues pour les revenus de fonds 19bis, impact sur le capital fiscal, le régime VVPR, etc.).
Revenus définitivement taxés (RDT)
Le régime des RDT basculera, comme proposé dans le cadre de la réforme du Ministre Van Peteghem, vers une exonération (et plus une déduction).
Le seuil de 10% sera maintenu concernant la condition de participation, mais celui de 2,5Mio EUR passerait à 4Mio EUR pour les grandes entreprises (à l’exclusion des PME et moyennes entreprises qui au cours d'au moins deux des trois dernières périodes imposables clôturées, ont eu un effectif moyen inférieur à 250 ETP, avec un chiffre d'affaires n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros).
La condition de détention à titre d’immobilisation financière fera sa réapparition.
Carried interest
En vue d’introduire un régime compétitif par rapport aux pays voisins et stimuler l'activité des fonds en Belgique, il est envisagé de soumettre les revenus de carried interest à un impôt de 30%, sans impact sur les plans existants.
Inutile de préciser que cet aspect sera techniquement complexe à mettre en œuvre, compte tenu des principes applicables, de la jurisprudence et des balises à respecter quant à l’égalité et à la non-discrimination. Les carried interest peuvent prendre différentes formes, s’attaquer à ce régime nécessitera une profonde réflexion.
Plus-values sur SICAV RDT
Un nouveau prélèvement de 5% sur la plus-value réalisée en cas de cession de parts de SICAV RDT serait instauré.
L'imputation du précompte mobilier sur l'impôt des sociétés ne serait possible que dans la mesure où la société bénéficiaire octroie une rémunération minimale aux dirigeants au cours de l'exercice pendant lequel la distribution est réalisée (dorénavant 50.000 EUR, à indexer).
Taxe annuelle sur les comptes-titres
La taxe annuelle sur les comptes-titres sera augmentée pour être portée à 0,15% et les dispositions en vigueur seront revues afin de lutter contre les formes d’optimalisation actuellement possibles.
Exit tax en cas d’émigration de sociétés
L'émigration d'une personne morale serait traitée fiscalement comme une liquidation fictive de la personne morale, ce qui correspond au régime fiscal prévu dans de nombreux pays voisins.
La version antérieure du texte prévoyait l'application d'une retenue à la source afin de prélever cet impôt mais l’accord ne fournit aucune précision à ce stade.
Il s’agira ici également d’un exercice complexe car l’expérience des autres Etats de l’Union disposant d’une telle législation montre qu’elle est complexe à agencer dans le respect des principes européens et des conventions fiscales préventives de la double imposition.
VVPRbis et réserve de liquidation
Ces régime sont maintenus, au grand soulagement des entrepreneurs.
Ils seront harmonisés dans la mesure du possible.
La période d'attente pour la réserve de liquidation est réduite de 5 à 3 ans mais le taux de retenue à la source de 5 % sera porté à 6,5 % à partir du 1er janvier 2026 pour les réserves de liquidation nouvellement constituées. Le taux effectif de la réserve de liquidation passe ainsi de 13,64 % à 15 %, comme pour le VVPRbis.
Les distributions qui seraient réalisées au cours des trois premières années seront imposées au taux normal de 30 % de précompte mobilier.
Droits d’auteur et logiciels
Retour en arrière pour le régime fiscal des droits d’auteur sur logiciel informatique qui pourront à nouveau bénéficier de la taxation au titre de revenus mobiliers.
C’est une grande victoire pour le secteur mais les contours de ce régime doivent encore être précisés (quid des bases de données ? etc.). En particulier, nous découvrirons avec curiosité ce que le gouvernement entend faire de la condition de communication au public.
Rémunération des dirigeants d'entreprise
Le salaire minimum actuel de 45.000 EUR prévu pour les dirigeants d'entreprise en vue de pouvoir bénéficier du taux réduit d'impôt sur les sociétés de 20 % sur les premiers 100.000 EUR de bénéfices sera porté à 50.000 EUR, et indexé.
Par ailleurs, il est envisagé de limiter à un maximum de 20 % du salaire annuel brut des dirigeants d'entreprise le montant des avantages en nature qui pourront être accordés.
Fondations privées
Les fondations privées génèrent des craintes, de sorte qu’il est envisagé de préciser la notion d’« objectifs désintéressés » qui doivent être poursuivis par ces entités.
Une obligation de dépôt des comptes annuels des ASBL et des fondations auprès de la centrale des bilans de la BNB sera prévue.
Procédure fiscale
Marche arrière également pour les délais de contrôle qui seront à nouveau raccourcis à 3 ans et 4 ans pour les déclarations complexes et semi-complexes (contre 6 et 10 ans depuis la dernière réforme). En cas de soupçon de fraude, le délai d’imposition de 10 ans sera ramené à 7 ans et à 8 ans pour les déclarations complexes et semi-complexes.
Le service de conciliation fiscale sera transformé en service d’arbitrage fiscal qui ne pourra être utilisé qu'une fois la procédure administrative terminée. Espérons que cette réforme permettra à ce service d’enfin prendre sa place dans les procédures.
La politique de sanction lors des contrôles serait modifiée, tant pour les impôts directs que pour les impôts indirects ; les premières infractions commises de bonne foi ne donneraient plus lieu à une sanction automatique.
Le très problématique régime de refus d’imputation des pertes à l'impôt sur les sociétés ne s'appliquerait qu'aux infractions répétées entraînant un accroissement d'impôt d'au moins 10 %, et la sanction se limiterait aux pertes de l’exercice (et non avec les pertes reportées). Un grand nombre de litiges existent concernant ce régime, espérons que leur issue s’en trouvera facilitée.
L'accès au point de contact central sera assoupli. Les autorités fiscales pourront, en cas d'indices suffisants et précis de fraude ou de déficit et après autorisation d'un fonctionnaire ayant rang de conseiller général, consulter directement le fichier.
Face à un contribuable récalcitrant qui fait « délibérément » obstacle à un contrôle, une taxation forfaitaire pourra être appliquée en remplacement du régime de l'astreinte.
Une nouvelle charte du contribuable sera rédigée pour rétablir la relation entre le contribuable et l'administration fiscale et dans ce cadre, le principe de confiance légitime et la doctrine Antigone (excluant les preuves obtenues illégalement) seront consacrés dans la loi
Lutte contre les share deals immobiliers
Le gouvernement entend aider les Régions, si elles le souhaitent, à lutter contre les « share deals » concernant les sociétés immobilières, qui permettent d’éviter les droits d’enregistrement.
Étonnante déclaration, d’autant que le fédéral n’a ici aucune compétence.
Régularisation (para)fiscale permanente
Grandement attendue par les praticiens, une législation permettant la régularisation (para)fiscale permanente des revenus sera introduite.
Il serait prévu de taxer à 30 % les capitaux non prescrits (pour lesquelles l’administration pourrait encore réclamer des impôts) et à 45 % pour les fonds prescrits.
Une exception serait prévue pour les contribuables qui peuvent démontrer leur bonne foi, dont les conditions d’application restent à définir.
Xavier Gillot