Nouvel arsenal juridique belge contre le piratage en ligne: vers la fin de l’IPTV illégal?
Depuis le 1er juin 2024[1], la Belgique a renforcé son arsenal juridique pour combattre le piratage en ligne, offrant ainsi de nouvelles armes aux ayants droit. Parmi celles-ci figurent une nouvelle procédure judiciaire, des mesures renforcées, ainsi que la création d’un service dédié au sein du SPF Économie.
Désormais, les ayants droit victimes d’atteintes massives à leurs droits peuvent s’adresser de manière unilatérale et accélérée au tribunal de l'entreprise de Bruxelles pour obtenir des mesure visant à y mettre fin. L'une des mesures phares disponibles est le blocage dynamique des sites pirates, ordonné aux fournisseurs d'accès à Internet (‘FAIs’).
Si le blocage de sites pirates n’est pas nouveau en Belgique – on se souvient notamment des décisions obtenues il y a quelques années par la Belgian Entertainment Association, ou plus récemment des décisions obtenues par Eleven / DAZN – ces mesures n’étaient pas encore dynamiques. Autrement dit, une fois les noms de domaines litigieux bloqués par les FAIs, il suffisait aux pirates de créer des sites miroir et de rediriger les utilisateurs pour contourner la sanction. En général, quelques jours (ou heures) suffisaient aux pirates pour mettre en place ce contournement. Il fallait en revanche plusieurs semaines (ou mois) aux ayant-droit pour obtenir le blocage de ces nouveaux noms de domaines, par le biais d’une nouvelle procédure.
Un rééquilibrage des forces semble désormais en cours. Grâce à ce nouvel arsenal, les ayants droit peuvent désormais demander une mise à jour des mesures déjà obtenues, sans repasser devant le tribunal. En pratique, si de nouveaux noms de domaines apparaissent pour contourner les blocages ou que des ‘copycats’ (des répliques de sites bloqués) voient le jour, il sera possible de les faire bloquer rapidement par les FAIs, sans avoir à lancer une nouvelle procédure judiciaire fastidieuse.
Cette mise à jour pourra avoir lieu avec l’aide du Service de lutte contre les atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins sur Internet, nouvellement créé au sein du SPF Economie.
Ces mesures arrivent à point nommé, alors que le piratage de contenus audiovisuels, notamment via l’IPTV, est particulièrement répandu en Belgique. Selon l'APAA, 5,4 % de la population belge, soit environ 457 062 personnes, auraient accédé à des services IPTV illégaux en 2021. Ces chiffres sont selon toute vraisemblance plus élevés aujourd’hui. Récemment, Proximus et Orange ont exprimé leur volonté de lutter activement contre ce phénomène, affirmant disposer des moyens techniques nécessaires, mais déplorant que le cadre légal ait jusqu'à présent freiné leur action.
Bien que cette nouvelle procédure soit prometteuse, elle n’a pas encore été mise à l'épreuve. Son succès dépendra largement de la capacité des différents acteurs à comprendre l'évolution rapide des pratiques de piratage, ainsi que de leur rapidité et de leur coordination.
Le nouveau Service du SPF Économie travaille actuellement avec les ayants droit, les intermédiaires et les juges pour affiner son fonctionnement et maximiser l'efficacité de cette procédure spéciale.
[1] Arrêté royal le 18 avril 2024 (voir la version FR ici et la version NL ici) permettant l’entrée en vigueur de l'article XVII.34 CEL (introduit par la L. 19 juin 2022 mettant en œuvre la directive DSM).