Restrictions annoncées en fiscalité des droits d’auteur, réduction de capital et abus fiscal, dispense de versement de précompte professionnel

Restrictions annoncées en fiscalité des droits d’auteur

Le point n’est pas nouveau, le régime fiscal instauré par l’article 37 du Code des impôts sur les revenus (CIR) en matière de droits d’auteur suscite l’attention vive de l’administration fiscale. Les contrôles sont nombreux et tout porte à croire que le succès de cette mesure n’avait pas été anticipé, ni même souhaité par le législateur.

Et il faut reconnaître qu’en pratique, les erreurs d’interprétation sont nombreuses et que depuis l’origine, une profonde incompréhension règne quant à l’articulation de ce régime au sein du CIR. Les praticiens et contribuables se sont aveuglément rués sur les avantages qu’une lecture rapide de la disposition pourrait offrir, alors même qu’elle constitue, pour bon nombre d’auteurs, un piège à éviter.

A l’été 2021, le Conseil supérieur des finances mettait à nouveau en garde contre la démultiplication des applications de ce régime et la rumeur était dans l’air qu’il allait être repassé à la loupe pour tenter d’endiguer le phénomène.

Il fallait dès lors s’y attendre, la modification du régime fût récemment annoncée à la Chambre et un avant-projet de loi serait en préparation en vue de restreindre le champ d’application de la mesure. Le gouvernement estime en effet que le système lui-même est contestable compte tenu de son champ d’application peu clair. L’intention est de rétablir la finalité initiale du texte en l’adaptant « de manière à ce que le champ d'application du droit d'auteur et des droits voisins soit égal à celui de la législation fiscale et sociale et conforme au Code de droit économique ». Il est encore annoncé que le texte de loi tiendra compte des décisions rendues par le Services des Décisions Anticipées.

Que peut-on attendre de ces modifications ? Vraisemblablement une définition plus restrictive des droits d’auteur dont les revenus sont éligibles au régime, l’introduction de certaines règles anti-abus ou limites déjà connues de la pratique (e.g., maximum 25% de la rémunération annuelle totale ou encore un pourcentage du bénéfice annuel de l’employeur, etc.). Il est difficile de pronostiquer davantage.

Gageons cependant que le législateur n’introduira, par ce biais, pas davantage d’incohérences que celles déjà présentes.

Une réduction de capital n’est pas un abus fiscal

Nous évoquions dans notre précédente lettre d’informations un nouvel arrêt de cassation intéressant au regard de l’article 344, §1er du CIR (dans sa nouvelle mouture) qui clarifie notamment la question de l’application dans le temps de cette disposition.

L’administration fiscale se fourvoie visiblement encore souvent dans l’application de cette disposition anti-abus car un nouvel arrêt vient d’être rendu suite à un pourvoi introduit par l’administration fiscale.

L’administration tentait de soutenir qu’une réduction de capital réalisée conformément à l’ancien article 18, alinéa 1er, 2° du CIR – et donc exonérée fiscalement – constitue un abus lorsque le remboursement du capital est immédiatement remplacé par une incorporation de réserves et lorsque le remboursement du capital est financé ou compensé par des bénéfices de l'exercice comptable.

De manière tout à fait lapidaire, la Cour de cassation répond par la négative.

La Cour rend un arrêt qui tient en deux paragraphes sans même aborder la question de l’abus de droit et les nombreux développements de l’administration fiscale dans son pourvoi. Elle se contente de préciser que conformément à l'article 18, alinéa 1er, 2° du CIR, chaque remboursement de capital libéré opéré en exécution d'une décision régulière de réduction du capital social prise conformément aux dispositions du Code des sociétés, est exonéré d'impôt.

Et d’ajouter que l’affirmation selon laquelle le remboursement de capital libéré financé ou compensé par des bénéfices de l'exercice comptable sortirait du champ d'application de l'exonération repose sur une conception juridique erronée, et manque dès lors en droit.

Le pourvoi était volumineux et foisonnait d’arguments mais notre Cour rend un arrêt visiblement teinté d’une certaine exaspération face aux raisonnements parfois farfelus qui y étaient repris. Nous ne pouvons qu’y souscrire.

Recours en matière de dispense de versement de précompte professionnel : raccourcissement des délais et fondement légal

Un avant-projet de loi actuellement à l’examen vient modifier à différents égards les mesures existantes de dispense de versement de précompte professionnel. Les adaptations techniques sont nombreuses.

De manière incidente, cet avant-projet apporte également des modifications ‘procédurales’ qui pourraient sembler anodines mais qui, en pratique, risquent de susciter bon nombre de complications pour les affaires pendantes, tout en confirmant à quel point il était important d’être attentif à la motivation des recours administratifs introduits afin de réclamer des ‘trop-versés’ de précompte professionnel faisant l’objet de la mesure.

Nous faisons en effet partie des sceptiques qui ont émis de grandes réserves lorsque l’administration fiscale a publié sa circulaire AOIF 48/2009, annonçant que les demandes de remboursements pouvaient être introduites par « réclamations », dans les 5 ans à partir du 1er janvier de l’année au cours de laquelle le précompte professionnel était devenu exigible, sans autre précision quant au fondement légal de cette nouvelle procédure de réclamation sui generis.

Nous avons pu constater, dans certains litiges traités en la matière, que l’administration s’était rendue compte de la faiblesse de cette circulaire car elle s’est mise à contester, à travers ses conclusions, le fondement même des recours introduits par les contribuables sur pied de cette circulaire. Les motifs invoqués passaient de l’inapplicabilité de la circulaire à la tardiveté du recours, en considérant que les réclamations devaient être, selon le CIR, introduites dans les 6 mois de l’envoi de l’avertissement-extrait de rôle et non dans les 5 ans comme proposé par la circulaire en question. En ajoutant au passage que ces mêmes contribuables ne peuvent prétendre se reposer par ailleurs sur les régimes du CIR prévus en matière de réclamations, car ils ne prouvent pas l’erreur de fait ou de droit fondant l’intérêt à réclamer contre l’impôt prélevé, comme exigé par le CIR en matière de réclamations. Des raisonnements complexes, certes, mais dangereux que la jurisprudence n’a pas cru bon de trancher dans les quelques affaires traitant du sujet qui ont évacué cette question par des raisonnements parfois contradictoires.

Si nous n’avons effectivement jamais souscrit à la thèse de la ‘réclamation’ au sens de l’article 366 du CIR, il n’était pour autant pas acceptable que l’administration tente de rejeter les recours introduits par les contribuables en empruntant ces raisonnements détournés.  

De manière assez discrète, le projet de loi vient remettre cette problématique à plat, tout en jetant un certain trouble sur les recours pendants qui n’auraient pas faits l’objet d’assez de précautions quant au libellé de leur fondement légal. Sous couvert de vouloir aligner les délais d’investigation de l’administration au délai endéans lequel les contribuables peuvent introduire un recours (selon l’interprétation du législateur), le projet introduit deux nouveautés très importantes.

Premièrement, il apporte un fondement légal explicite aux demandes de remboursements qui seront introduites par les contribuables ayant versé trop de précompte professionnel alors que celui-ci pouvait faire l’objet d’une dispense, en ajoutant un article 368/1 au CIR qui traite explicitement de la question.

Deuxièmement, il modifie le délai de 5 ans qui prévalait jusqu’à présent pour le réduire. Les actions en remboursements fondées sur les articles 275/1 à 275/12 du CIR se prescriront désormais par 3 ans à compter du 1er janvier de l’année qui suit celle dont le millésime désigne l’exercice d’imposition.

Ces modifications sont prévues pour entrer en vigueur au 1er avril prochain mais une période transitoire devrait être prévue en vue de permettre aux contribuables d’introduire des recours couvrant l’ancienne période de révision jusqu’au 30 juin 2022.

Les employeurs qui auraient omis de solliciter la mesure par le passé ont donc grand intérêt à anticiper l’introduction de leur demande de remboursement, sous peine de tomber sous la nouvelle disposition et de perdre une partie de leurs droits.

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