Nouvelle convention fiscale avec la France

Nouvelle convention fiscale franco-belge : attention aux changements à venir

La Belgique et la France ont signé, le 9 novembre dernier, une nouvelle convention préventive de la double imposition. Celle-ci n’est pas encore entrée en vigueur car cela suppose une ratification par les chambres belges mais les changements sont nombreux et il est dès lors de bon ton d’anticiper sur ces modifications à venir.

Si le modèle suivi est celui de l’OCDE (version 2017), plusieurs éléments marquants viennent différencier ce nouveau texte qui constitue le résultat de compromis âprement négociés avec nos voisins.

Il n’offre malheureusement qu’une demi-solution pour le régime fiscal belge des revenus de SCI françaises et ajoute plusieurs régimes spécifiques dont le ‘rattrapage’ des anciens résidents en vue de les taxer sur certaines plus-values sur participations.

La nouvelle convention instaure également de nouvelles règles en matière de salary-split, introduit une mesure générale anti-abus et conditionne l’exonération de certains revenus à leur imposition effective dans le pays de la source. Les sections suivantes abordent brièvement ces modifications importantes.

Pas de solution pour les personnes physiques belges associés de SCI françaises

Le sujet a fait couler beaucoup d’encre car la qualification des revenus des sociétés civiles immobilières (« SCI ») françaises translucides ou transparentes suscite des complications en droit fiscal belge. Ces difficultés proviennent essentiellement d’un ‘conflit’ de qualification des revenus qui n’était pas tranché par l’ancienne convention fiscale. Pour la France, les revenus de SCI translucides doivent être qualifiés de revenus immobiliers, revenus que la convention rend imposables en France. Pour la Belgique cependant, ces mêmes revenus doivent être considérés comme des revenus d’actions, taxables en Belgique, également en toute conformité avec cette même convention. L’ancien texte n’avait pas pris le soin de traiter de cette question de qualification et par conséquent, ce conflit résulte dans une double imposition regrettable, le sujet est connu.

Fort malheureusement, la nouvelle convention, alors qu’elle prend la peine de traiter du sujet, n’évacue pas cette problématique. Le nouveau texte confirme que ces entités peuvent se prévaloir de la convention (donc l’invoquer contre les Etats signataires) mais laisse intact le problème lié à l’absence de qualification uniforme des revenus pour les besoins de l’application des dispositions qu’elle contient. Il est, en réalité, permis de penser que cette question a très volontairement été laissée en l’état car le point n° 12 du protocole additionnel à la convention stipule explicitement que la qualification des sommes versées par une SCI s'effectue conformément à la législation interne belge.

L’administration fiscale belge n’aura donc désormais plus besoin de s’appuyer sur la jurisprudence de la Cour de cassation pour réclamer son impôt sur les revenus perçus par des associés résidents belges de SCI translucides.

Alors que les conventions fiscales visent en principe à éviter la double imposition des revenus, nous voilà donc en présence d’une convention organisant une double imposition flagrante.

Ceci est-il conforme aux principes de droit européen ? La question sera certainement posée.

Sur le plan de l’impôt des sociétés, des discussions existent aussi au regard des revenus de SCI car le régime belge des revenus définitivement taxés (« RDT ») est soumis à des conditions de taxation au regard desquelles la translucidité fiscale des SCI peut poser problème. La nouvelle convention aborde cette problématique pour y apporter une solution car dans la mesure où la société belge est elle-même imposée en France sur sa participation dans la SCI, la condition de taxation en question du régime RDT ne doit plus être remplie.

Imposition des plus-values sur participations importantes réalisées par les expatriés

La Belgique a souvent été choisie comme pays d’expatriation par des résidents fiscaux français désireux de vendre des participations ou disposant d’un large portefeuille de revenus mobiliers. La raison tient essentiellement à la volonté de perdre la qualité de résident fiscal français pour devenir résident fiscal belge et être par conséquent soumis à la fiscalité belge qui traite ces revenus moins défavorablement que la France.

Si auparavant, un déménagement effectif (i.e., confirmé administrativement) suffisait à faire basculer ces expatriés dans la fiscalité belge, il n’en sera bientôt plus ainsi.

Non seulement la nouvelle convention prévoit une taxation, dans le chef des résidents belges, à l’impôt sur la fortune français de leur patrimoine immobilier situé en France mais elle ajoute également une règle qui vient ‘rattraper’ les expatriés en réservant la taxation de certaines plus-values au pays d’origine.

Ce nouveau régime assez inédit vise :

  • les personnes physiques ;

  • qui ont été, dans les dix années précédant la date de leur déménagement vers le pays d’accueil, résidentes du pays d’origine pendant six années ;

  • qui ont possédé une ‘participation substantielle’ dans une société résidente du pays d’origine à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la date de ce déménagement ; et

  • qui cèdent cette participation substantielle au cours des sept années suivant leur déménagement dans le pays d’accueil.

La notion de ‘participation substantielle’ qui circonscrit l’application de ce texte vise des actions ou parts dont l’ensemble ouvre droit à 25% ou plus des bénéfices d’une société du pays d‘origine, détenues par une personne morale ou une personne physique, seule ou avec des personnes apparentées, directement ou indirectement.

Inutile donc de songer à interposer une holding entre la cible et l’actionnaire personne physique, car la nouvelle disposition prévoit cette alternative. La société holding intermédiaire sera redevable de l’impôt dans le pays d’origine au pro rata de la participation de la personne physique expatriée dans la société cible (si elle remplit les conditions ci-dessus).

Il est fort regrettable que la convention n’ait pas prévu de règle d’application dans le temps pour cette nouvelle taxation. Il n’est effectivement ni justifié, ni logique, que le pays d’origine conserve le droit de taxer des accroissements de valeur générés après le déménagement d’un actionnaire, tout ancien résident qu’il soit. Si l’on peut comprendre que la France, par exemple, souhaite se réserver le droit de taxer la plus-value existant au jour du déménagement vers la Belgique, il n’est pas opportun que cette dernière acquière en outre le droit de taxer la prise de valeur qui surviendra (dans des conditions normales) pendant 7 ans après un déménagement en Belgique. Economiquement, cette règle choque.  

Imposition des sociétés à prépondérance immobilière

Autre particularité notable, la convention introduit un régime de taxation des plus-values sur actions ou parts de sociétés immobilières.

Généralement, les plus-values sur actions ou parts réalisées par un résident d’un Etat contractant sont imposables dans cet état de résidence (que la société soit quant à elle résidente de cet état ou d’un autre) mais certaines conventions dérogent à cette règle pour réserver l’imposition des plus-values sur actions ou parts de sociétés immobilières à l’Etat où la société se situe (et non dans l’Etat de résidence de l’actionnaire). Cette dérogation est ajoutée à la nouvelle convention, afin de confirmer la jurisprudence française qui avait déjà tranché la question dans le même sens sur la base de l’ancien texte.

Le nouveau régime vise les actions de sociétés, fiducies ou structures similaires résidentes d’un Etat contractant (i) non cotées (ii) qui ont plus de la moitié de leurs actifs investis en immobilier (iii) non-utilisé pour leur besoin propre.

A noter que ce régime n’est applicable que si, selon le droit national de l’Etat où se situe les immeubles détenus, les plus-values sur sociétés immobilières sont soumises au même régime fiscal que les plus-values sur biens immeubles, ce qui n’est pas le cas pour la Belgique. De facto, ce régime ne vise donc que les entités résidentes fiscales de la France.

Autres revenus mobiliers

Des adaptations sont également apportées au régime fiscal des dividendes, intérêts et autres revenus mobiliers.

Les dividendes restent imposables dans le pays de résidence de l’actionnaire avec, comme sous l’ancien texte, une retenue fiscale autorisée dans l’Etat de la source. Cette retenue est cependant revue à la baisse pour passer de 15% à 12,8%.

Les actionnaires sociétés bénéficient quant à eux d’une exonération de retenue à la source dès lors que leur participation s’élève à 10% et est détenue – ou sera détenue – 365 jours. La convention ajoute que les réorganisations ne sont pas prises en compte pour le calcul de cette durée, ce qui simplifiera la situation des sociétés belges confrontées aux différentes exigences de détention d’un an posée par la loi belge pour l’application des exonérations (cf. le régime belge transposant la directive mère-fille et les conditions de détention strictes d’un an).   

Les intérêts étaient soumis à une règle similaire : imposition dans l’Etat de résidence avec toutefois l’autorisation pour le pays de la source des revenus de prélever un impôt limité. La nouvelle convention est davantage favorable car elle prévoit désormais que les intérêts ne sont imposables que dans l’Etat de résidence du bénéficiaire ; fini donc les impôts dans l’Etat de la source.

Enfin, les redevances restent soumises à un régime identique de taxation dans l’Etat de résidence du bénéficiaire uniquement. La nouvelle convention ajoute toutefois explicitement que les revenus de cessions ou concessions de logiciels informatiques sont désormais visés par cette disposition.

Salaires et autres rémunérations

La convention reprend les formules connues du modèle OCDE pour ce qui concerne les travailleurs salariés (règle des 183 jours, etc.).

Une grande différence par rapport à l’ancien texte réside dans les règles applicables aux rémunérations de travailleurs occupés sur différents territoires. La condition relative au paiement de la rémunération par un employeur du pays de résidence est revue afin de prévoir que l’Etat de résidence conserve le pouvoir de taxer les rémunérations dès lors qu’elles sont payées par un employeur qui n’est pas résident de l’autre Etat signataire.

Concrètement, la Belgique et la France récupèrent dès lors leur pouvoir d’imposition sur les rémunérations qui ne sont pas payées par un employeur de l’autre Etat, ce qui n’est pas le cas selon l’ancienne convention (qui prévoit que le pays de résidence perd son pouvoir d’imposition dès lors que la rémunération n’est pas payée par un employeur de ce pays). La règle des 183 jours est par ailleurs légèrement adaptée pour viser à présent les périodes de 12 mois et non plus l’année civile.   

Le régime des rémunérations d’administrateurs de sociétés est également revu afin de prévoir que les rémunérations versées pour les tâches journalières tombent désormais sous la disposition applicable aux rémunérations de travailleurs salariés. Les tantièmes, jetons de présence et autres rétributions de pure gestion restent quant à eux taxables dans le pays de résidence de la société.

Une autre nouveauté est introduite pour les rémunérations d’artistes et sportifs qui, bien que de source étrangère, restent désormais imposables dans le pays de résidence de l’artiste ou sportif si elles ne dépassent pas 15.000 EUR par année fiscale dans l’Etat de la source et qu’elles sont payées à l’artiste ou sportif. Dès lors que les rémunérations sont payées à une autre personne (e.g., sociétés d’artistes ou de sportifs), elles seront imposables dans l’Etat où la prestation a été fournie, même en l’absence d’établissement stable du bénéficiaire dans cet Etat. Une exception est cependant prévue pour les sportifs et artistes financés par des fonds publics qui demeurent en tout état de cause imposables dans leur pays de résidence.  

Plus d’exonération si pas de taxation effective dans l’autre Etat

Dans le chef de personnes physiques résidentes belges qui auraient droit à une exonération sur la base de la convention, il ne suffira plus que les revenus soient imposables en France mais il sera requis que ces revenus soient effectivement taxés. Cette règle, applicable aux revenus autres que mobiliers, permettra donc à la Belgique de refuser l’application de l’exonération conventionnelle s’il n’y a pas de taxation effective en France.

La règle ne vise pas les personnes autres que physiques dans le chef de qui l’ancienne exigence restera d’application (i.e., une taxation théorique étant suffisante, quand bien même le revenu ne serait pas effectivement taxé, cf. la nombreuse jurisprudence à cet égard).

Fin de la QFIE

La jurisprudence belge avait fini par trancher favorablement la question de l’imputation de l’impôt français (prélevé à la source) sur les dividendes attribués à des résidents belges qui doivent payer, en outre, l’impôt belge sur ces revenus. Depuis lors, ils peuvent réclamer l’imputation de la quotité forfaitaire d’impôt étranger (« QFIE ») prévue par l’ancienne convention sur l’impôt belge frappant leurs dividendes.

Cette atténuation de la double imposition sera de courte durée car le nouveau texte ne permet plus aucune imputation de QFIE.

Par contre, dans le chef des sociétés belges qui n’auraient pas droit au régime des RDT sur des dividendes français, un crédit d’impôt (limité à l’impôt belge) est désormais prévu par la convention.    

Divers

Entre autres, la convention prévoit également des règles spécifiques concernant l’impôt sur la fortune, les chantiers de montage, le transport international et les pensions. La notion d’établissement stable est par ailleurs élargie afin d’inclure les personnes qui jouent habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats qui, de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l'entreprise.

En outre, une nouvelle mesure anti-abus générale est introduite afin de permettre aux Etats de refuser le bénéfice de la convention lorsqu’un montage ou une transaction est inspirée par des considérations principalement fiscales.

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Restrictions annoncées en fiscalité des droits d’auteur, réduction de capital et abus fiscal, dispense de versement de précompte professionnel

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ATN, régime expatrié et mesure anti-abus